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L'automobile, en tant qu'œuvre d'art sur quatre roues,
est une forme d’expression artistique mise en exergue au
sein des clubs automobiles de prestige en Franc[1].
Les clubs automobiles se situent au croisement d’une
socio-anthropologie des cultures populaires et d’une
réflexion esthétique. A la question des fans et des
fan-clubs, une réponse peut être apportée concernant la
construction des identités et la production du jugement
de goût dans la culture populaire. En considérant le
caractère héréditaire de cette pratique, comment l’image
de l’automobile a t-elle été transmise auprès du grand
public et comment ce dernier se l’est-il appropriée ?
Nous examinerons alors, à travers les mass-média, le
phénomène de collection et les grands rassemblements
commémoratifs organisés par les clubs. C’est ce que nous
pouvons exprimer sous le terme d' « acculturation
automobilistique »[2].
Avant de voir les processus de l’appropriation de
l’image de l’automobile auprès du grand public, encore
faut-il connaître les éléments significatifs à l’origine
de cette attirance charnelle des hommes pour cet objet.
Il s’agit de montrer par quels processus les clubmen se
sont épris de l’automobile. Autrement dit, de mettre en
évidence les contextes sociaux d’émergence et de
réceptions de ces œuvres d’art sur quatre roues. Il
s’agit donc de retrouver les formes de l’enracinement de
la culture automobilistique dans notre existence
collective.
Genèse de l’objet d’art
En effet, on ne peut comprendre le rapport passionnel à
l’automobile et le flot de production artistique qui en
découle, comme l’automobilia (bibelots, tableaux,
reproductions en cristal, etc.)[3],
sans prendre connaissance des raisons de son émergence.
C’est pourquoi, il est important, dans un premier temps,
de connaître la genèse de l’esthétique automobile en
tant qu’œuvre d’art.
Comme le déclare Werner Von Broch : « l’automobile
a une signification étrangère à la chose elle-même :
c’est un objet d’amour, un rêve incarné, une idole,
comme les hindous peuvent en avoir, couverts d’or et de
bijoux, un symbole de statut, bref, l’irrationnel à
l’état pur. »[4].
L’automobile apparaît donc comme une sculpture d’une
merveilleuse beauté. Elle est vue comme une « création divine », comme si
Pygmalion, le héros d’Ovide dans « Les métamorphoses »[5],
avait sculpté cette automobile des temps modernes dans
un état de quasi perfection[6].
« Longtemps,
l’automobile s’est identifiée à une femme dont Pygmalion
aurait été mécanicien et sculpteur. »[7].
A la fin du XIXe siècle, les premiers
sculpteurs d'automobiles s'appellent
Joseph Cugnot, Etienne
Lenoir, Léon Serpollet, Armand Peugeot, pour ne citer
qu'eux. Ils ont donné forme et vie à leur création et
leur voie fut suivie par de nombreux autres ingénieurs
ou artistes tels que
Louis Sabattier, Scott, Géo Ham, par les couturiers
worth, Schiaparelli, Lanvin, etc., et par les
carrossiers Letourneur, Chapron, Franay, etc., qui
avaient un même regard sur la pureté des lignes.
Ce qui amène Roland Barthes à voir en l’automobile « l’équivalent
assez exact des grandes cathédrales gothiques : je veux
dire une grande création d’époque conçue passionné-ment
par des artistes inconnus, consommée dans son image
sinon dans son usage par un peuple entier qui
s’approprie en elle un objet parfaitement magique. »[8].

La 1ère
automobile - Etienne Lenoir - Salon Rétromobile 2000
(Collection personnelle)
Pour expliquer comment l’automobile en tant qu’art
populaire s’est imposée dans notre histoire sociale,
nous reprendrons l’idée développée par Paul Valéry : « s’ils
(les artistes) l’ont obtenu (d’être inscrits
dans l’histoire de l’art), c’est par le concours de
deux conditions que l’on peut toujours considérer comme
indépendantes : l’une est nécessairement la production
même de l’œuvre ; l’autre est la production d’une
certaine valeur de l’œuvre par ceux qui ont connu, goûté
l’œuvre produite, qui en ont imposé la renommée et
assuré la transmission et la conservation, la vie
ultérieure. »[9].
Donc, après avoir vu les conditions de production de
l’œuvre d’art sur quatre roues, nous allons voir
maintenant les conditions de sa renommée, c’est-à-dire
comment par toute une mise en scène, l’automobile a été
mise sur un piédestal et ce qui l'a fait devenir un
objet mythique, donc de prestige[10].
L’objet de séduction
L’industrie automobile a principalement pris son essor à
travers les courses où les hommes ont eu le coup de
foudre pour ces mécaniques pétaradantes qui leur
permettaient de concrétiser leur rêve d’aller plus vite
et plus loin, mais, ils ont eu aussi le coup de foudre
pour ce jouet luxueux qui les faisait rêver dans les
concours d’élégance automobile. La France, en matière de
mode, est renommée pour son élégance et son originalité
dans l’art de combiner les lignes de la coupe et le jeu
des étoffes. Nous pouvons comparer un
carrossier à un couturier. L’un et l’autre savent marier
les lignes et les coloris. Leur art procède à la fois du
grand dessin et du menu détail.
A l’image de l’esthétisme de la femme, très raffinée,
l’esthétisme de l’automobile doit aussi être recherchée.
La carrosserie a un rôle important dans le jeu de
séduction de ces automobiles. Carrosser un châssis
d’automobile, c’est l’habiller. Pour expliciter cette
phrase, nous citerons cette anecdote véridique, lorsqu'
Ettore Bugatti s’exclama de la sorte en offrant un
modèle réduit à son fils Jean en 1927 : « cette
voiture est belle comme une femme ! »[11]
L’automobile n’a pas été un simple événement
industriel. Elle est mêlée, désormais, d’une façon
intime, à l’histoire de l’élégance contemporaine.
« Après 1920, d’élégantes silhouettes de dames
vantent le confort des automobiles : Hispano-Suiza prône
un roadster conduit par une femme. Avec Peugeot ce sera,
pour une femme, “être à la mode” que de conduire sa 201.
Une manière de publicité indirecte invite le client à
choisir le même modèle que Mistinguett, une Voisin ou
une Matford, que Gaby Morlay une Mors, que Joséphine
Baker une torpédo 17cv Delage, ou plus tard, le même
modèle que Brigitte Bardot une Florida Renault. »[12]
L’image de la femme est pour beaucoup
dans l’évolution esthétique de l’automobile. Ce sont
principalement les stars qui ont joué un rôle
prépondérant dans l’histoire de l’automobile de
prestige. La réception et l’usage de « l’art
automobile »,
auprès du grand public, sont à rapprocher des analyses
d’Edgar Morin sur la culture de masse qui depuis « les
années 1920 et 1930 [...] a proposé de nouveaux styles
de vie fondés sur l'accomplissement intime, le
divertissement, la consommation [...] au travers des
stars [...] des sports et de la presse féminine [...] La
culture de masse a exalté la vie de loisir, le bonheur
et le bien-être individuels, elle a promu une éthique
ludique et consommative de la vie. »[13]
Il ne s’agit en aucun cas d’opposer la culture élitiste
à la culture populaire mais, au contraire, de comprendre
les mécanismes de la transmission du comportement
automo-bilistique au « grand public ». Nous
voudrions donc montrer comment l’image idyllique,
vendeuse au niveau économique et enjeu symbolique, au
travers d’ingrédients issus du marketing tels que la
vitesse, le luxe, l’évasion, a fait de l’automobile, un
objet mythique.
L’objet mythique
Que ce soient les héros de courses tels que Fangio, les
stars de cinéma telles que James Dean, ou encore les
Miss lors de concours d’élégance, ils ont contribué à
alimenter le mythe.
Comme le souligne Luc Boltanski, la publicité pour les
voitures est souvent construite « sur
le système des oppositions homologues entre les objets
distingués et les objets communs, l'espace libre et
l'encombrement, les élites et les masses »[14]
L’automobile a effectivement séduit tout
un public à partir de l’image enjoliveuse diffusée sur
les grands écrans et dans la grande presse. Nous avons
assisté à la sacralisation de l’Objet avec un « O »
majuscule, en tant qu’objet ludique de collection, de
détente, de passion, de plaisir et d'évasion dans le
cadre du loisir. En effet, c'est cet aspect ludique de
l'automobile qui en a constitué le mythe.
Ainsi, dans la production artistique, d'un point de vue
médiatique, nous avons la mise en évidence d'éléments
imaginaires venant alimenter la relation affective à
l'Objet dont l'image est partagée en famille. Ce
sont des automobiles dites de prestige[15]
dans le sens où elles ont marqué, d'une forte empreinte,
l'histoire de l'industrie automobile par leurs exploits
sportifs ou cinématographiques. C’est le cas de
Choupette la Coccinelle Volkswagen[16]
dans Un amour de Coccinelle, ou de la Citroën DS
volante de Jean Marais dans
Fantômas se déchaîne[17]
ou encore de la 2cv Citroën pulvérisée par Louis de
Funès dans Le Corniau[18].
Ces automobiles sont de véritables stars aux côtés des
luxueuses berlines Rolls-Royce et Ferrari. Comme le
souligne Edgar Morin, « l'écran paraissait devoir
présenter un miroir à l'être humain : il offrit au XXe
siècle ces demi-dieux, les stars. »[19]
La culture automobilistique est née de cette
image rêveuse mise en scène à travers les mass-média. On
peut parler d'émotion esthétique au cœur même de l'art
populaire automobilistique car, pour reprendre les
propos de Bruno Péquignot, « l'art populaire est
l'art qui plaît au peuple »[20].
L'automobile a profondément marqué les consciences
collectives de son empreinte symbolique, largement
diffusée et reproduite. En effet, certaines automobiles
de constructeurs auparavant anonymes sont devenues
célèbres par les courses automobiles, les Salons, la
mode, les films et par l’influence d’hommes (créateurs, hommes d’institutions, pilotes ou
stars de cinéma) qui les ont élevées au rang
d'automobiles mythiques.
Ainsi, la légitimation et la reconnaissance sociale de
l'automobile, en tant qu'Objet d'art populaire, se font
via ses apparitions médiatiques ; autrement dit, via sa
production culturelle dans l'histoire sociale. C'est la
raison pour laquelle, comme le souligne Bruno Péquignot,
« La connaissance sociologique de l'œuvre passe par
la connaissance des contextes socio-culturels de son
apparition et de sa réception. »
Les déterminants sociaux de l'automobile en tant
qu'Objet d'art populaire sont à rechercher à la fois
dans le tissu social et dans le tissu familial. C'est la
jonction des deux qui, par tout un processus, apporte
une culture automobilistique et donne naissance à la
passion de l'automobile.
L'automobile agit sur les représentations communes. Elle
émeut, elle agit sur la sensibilité, elle fait
intervenir l'émotivité. L'automobile ne laisse pas
insensible les individus par toute une production
médiatique qui a modelé les consciences individuelles de
manière à ce qu'elle soit vue sous une certaine forme
sympathique ayant donné naissance au mythe de l'auto.
D'où son passage d'objet utilitaire à valeur économique
à Objet mythique à valeur sacrale.
Nous prendrons le cas de la personnalité de James Dean
qui a immortalisé la jeunesse avec sa Porsche Grand
Sport. L'image de la fureur de vivre fut reprise par la
publicité pour vanter les mérites de l'Opel Corsa, dans
un style toutefois très différent.
Un embryon de
religion se constitue autour de ces automobiles.
C’est le cas pour la voiture de James Dean : « la
voiture fatale est sacralisée. Pour 25 cents, on peut
contempler la Porsche Grand Sport, et pour un supplément
de 25 cents, on peut se glisser au volant. Cette voiture
disloquée, qui symbolise la passion de James Dean, est
même débitée en boulons, pièces de ferrailles tordues
qui sont autant de reliques sacrées que l’on peut
acheter selon la grosseur à partir de 25 dollars pièce
et que l’on peut garder sur soi, pour s’imprégner de la
substance mystique du héros. »[21]
Depuis longtemps, les produits les plus raffinés de notre
civilisation finissent tôt ou tard dans les musées et
les collections privées. L’automobile des Stars a
suivi ce chemin et est devenue à son tour un « Objet »
d’art.
Une automobile devient un objet de collection pour son
intérêt historique, la personnalité de son créateur, de
son propriétaire, et pour son originalité technique et
stylistique.
Ancêtre, Vintage ou Classique ?
Comme le mobilier ancien, les automobiles de prestige
sont classées par style. Pièce d’origine, restaurée ou
réplique, il convient de savoir aujourd’hui déjouer les
embûches. La voiture de collection n’est pas
obligatoirement une voiture très ancienne. Certains
amateurs mettent un point d’honneur à collectionner des
voitures « neuves » et prestigieuses comme les
Ferrari, Lamborghini, Bugatti, Rolls-Royce, etc.
A l'achat, le prix de certains modèles se compte parfois
en millions d’euros. Leur valeur paraît aussi sûre que
celle d’un tableau de Rembrandt ou de Van Gogh. Nous
citerons Eugène Slomp qui dit sensiblement la même chose
dans un article de presse, en février 1981 : « des
"tas de ferraille" au prix des plus grands tableaux
modernes ? Après tout pourquoi pas ! Ma Bugatti est plus
belle que toutes les œuvres d'art, clamait André Derain,
orfèvre en la matière puisqu'il n'en posséda pas moins
de quatorze. Et avec l'agressif manifeste du mouvement
futuriste publié par Marinetti dans "Le Figaro" du 20
février 1909, l'automobile avait fait une entrée
fracassante dans le monde de l'art où, pour la première
fois, elle occupait une place à part entière ».[22]
Il existe un marché mondial de l’automobile de
prestige comme pour les œuvres d’art. Le marché est
organisé, structuré, avec ses rendez-vous annuels comme
le Salon Rétromobile de Paris, le Clasic Car Show à
Birmingham ou l’Auto Jumble à Beaulieu en
Grande-Bretagne.
Au cours des années 60, l'automobile s'est démocratisée.
Certains modèles de marque ayant fait les beaux jours de
l'industrie quittèrent la France pour garnir les musées
des Etats-Unis ou d'Angleterre entre 16 et 25 000
francs, soit aujourd’hui entre 2 500 et 3 800 euros.
Voyant partir à l'étranger ce patrimoine, des passionnés
tombés sous le charme de ces automobiles démodées,
décidèrent de se rassembler au sein de clubs afin de
sauvegarder ces automobiles qui, pour certaines, furent
récupérées au fond de granges, à l’état d'épave. Ces
paléontologues de l'automobile décidèrent de les
restaurer et de les conserver précieusement. Ce fut le
début de la collection. Il s'agit là d'un véritable
« sauvetage d'un patrimoine culturel. »[23]
Les propriétaires sont, eux aussi, de véritables Pygmalion dans
le sens où ils restaurent leur véhicule d’époque en
cherchant ou en fabriquant des pièces, en le « bichonnant »
et le lustrant pour lui redonner son aspect d’origine.

La
pratique automobilistique et ses rituels – Pornic 1997
Rallye des
Grands-Mères Automobiles
(Collection personnelle)
L'acte de restauration est une expression artistique en
soi, les manières de faire ressemblent en tous points à
un véritable travail d'art puisqu'il existe, non
seulement, des savoir-faire transmis de génération en
génération, mais aussi, des critères de restauration
supervisés par la F.F.V.E. (La Fédération Française des
Véhicules d'Epoque), gardienne de l'orthodoxie,
préservant toute l'authenticité de ces œuvres d'art sur
quatre roues. A ce titre, nous pouvons parler de
poiêsis, qui est le faire par excellence, celui qui
touche la sensibilité. Et pour
mieux comprendre le désir des passionnés, nous citerons
ce passage extrait de l'ouvrage de Bruno Latour : « je
contemplai mon œuvre terminée dans une anxiété proche de
l'agonie, je rassemblai autour de moi les instruments
qui devaient me permettre de faire passer une étincelle
de vie. »[24]
En effet, lorsqu'il s'agit de
restauration « d’œuvres d’art » comme une
Hotchkiss, une Panhard ou une Delahaye, symbole de
l’élégance française d’avant-guerre, nous pouvons parler
de « haute couture » automobile.
Nous avons affaire à de véritables re-créateurs, à la
fois artistes et artisans. Certains passent plus de 2500
heures à restaurer ces automobiles passées de mode,
mobilisant tous les métiers annexes à l'automobile comme
le carrossier, le mécanicien, le tôlier, le tapissier,
le ferreur, etc. Là encore, nous avons affaire à de
véritables Pygmalion désireux de retrouver L’Age d’Or
de l’automobile.
Autrefois, cette automobile donnait du prestige à son
propriétaire, aujourd’hui, c’est lui qui redonne son
prestige d’antan. C'est
une véritable histoire d'amour qui lie ces hommes à
l'automobile. Certains n'hésitent même pas à leur donner
des noms de grandes amoureuses ; elles s'appellent
Esclarmonde, Artémise, Joséphine, Pélagie et Julie[25].
L'automobile Galatéenne
est, non seulement, rattachée à son propriétaire par des
sentiments ambigus mêlés d'une certaine forme
d’érotisme, mais elle est aussi dotée d'une âme.
Pour ces passionnés, une automobile immobile est un
non-sens. Ils vont sur cette chose animée (anima) faire
revivre le souvenir des événements qui ont fait accéder
certaines automobiles au statut de véritable star. Nous
sommes passés, ainsi, de la starisation de l'automobile
à sa sacralisation comme Objet mythique.
L’objet d’amour
Les clubmen veulent retrouver cette image mémorielle de
l'automobile qui a alimenté leur rêve d'enfant, à la
fois les souvenirs idéaux de l'automobile et les
souvenirs des promenades dominicales faites en famille.[26]
Comme le souligne Sigmund Freud, « les désirs
inconscients et […] ceux qui remontent à l'enfance, nous
hantent au point de devenir passionnels »[27].
Les membres concrétisent leur rêve autrefois refoulé
parce que leur automobile préférée leur était
inaccessible.
L'amour qu'ont les passionnés pour l'automobile est en
soi une déification ; aimer d'amour sa voiture, c'est
l'idéaliser et l'adorer. Dans ce sens, tout amour pour
une automobile suscite une fermentation mythique. L’homo
automobilis religiosus veut tout connaître sur son
automobile préférée : la biographie de son créateur,
l'histoire de la marque, le nom des stars qui l'ont
conduite, ses apparitions cinématographiques…
On peut dire que la starisation sert, de surcroît, de
modèle à l'accomplissement de la pratique ludique de
l'automobile, au sein des clubs. Le comportement social
de l'individu face à l'automobile se calque sur
l'univers de la production artistique. C'est le cas au
sein des clubs DS France où l'image de la Citroën DS,
apparue dans le film Fantômas se déchaîne, avec
Jean Marais, Louis de Funès et Marlène de Mongeot, est
souvent évoquée. La « Déesse »"[28],
voiture aussi populaire que les acteurs cités ci-dessus,
est portée en véritable star par les membres de ces
clubs.
C'est par ce processus de projection/identification que
se crée une relation affective avec l'automobile. C'est
pourquoi, la question de la production artistique est au
cœur de la passion.
De même, lors de sorties telles que le Rallye des
Grands-Mères Automobiles, il existe un code esthétique
au niveau vestimentaire en correspondance avec l’époque
de l’automobile. Il s’agit de l’acquisition d’une
culture esthétique de l’automobile au sens d’une praxis.
Les membres essaient, de cette manière, de préserver la
pratique traditionnelle de l’automobilisme pour
retrouver la sensibilité originelle à l’Objet. Ainsi,
peut-on affirmer que l'ethos de la nostalgie est à
l'origine de l'effusion passionnelle régnant au sein des
clubs.
Nous assistons à la valorisation du patrimoine
automobile et à la transmission de la culture populaire
automobilistique. Imitation et ritualisation viennent
rythmer la vie des clubmen. A ce titre, nous pouvons
parler d’héritage culturel. Ils veulent conserver ce qui
a fait de l’automobile un mythe par toute une mise en
scène au cours de manifestations commémoratives. Les
clubs font donc l’apologie nostalgique du passé mythique
de l’automobile, représenté comme Age d’Or, à
travers lequel les passionnés viennent se ressourcer.
Les clubmen sont, dans leurs actes, portés par un
sentiment affectif pour cet Objet évocateur de souvenirs
d’enfance, que ce soit par un son, une odeur ou la
réminiscence du visage d’un être cher. On comprend alors
l’importance de la prise en considération du noyau
familial des fans dans la manière de voir, de concevoir
et de pratiquer l’automobilisme. On parlera d’une « esthétique
de l’imitation »[29]
car il s’agit, dans l’optique d’une sociologie
esthétique, de maintenir la question de la genèse au
cœur de la problématique[30]

L’élégance automobile –
Pornic 1997 Rallye des Grands-Mères
Automobiles (Collection personnelle)
Mémoire de maîtrise de sociologie, De l'usine
au club Venturi : producteurs et consommateurs
d'un objet de prestige, sous la direction de
J. Deniot, Université de Nantes, 1995. Mémoire
de D.E.A. de sciences sociales, Introduction
aux clubs automobiles : histoire, théorie et
pratique, sous la direction de J. Deniot,
Université de Nantes, 1996. Thèse de doctorat de
sociologie intitulée, Ethno-sociologie des
clubs automobiles de prestige en France,
sous la direction de J. Deniot,
Université de Nantes.
« C’est l’étude de la transmission culturelle
en cours », comme le souligne Melville-Jean
Herskovits,
Les bases de l'anthropologie culturelle,
Paris, Payot, 1967.
Lorsqu’on parle « d’automobilia », il
s’agit d’une manière générique, de tout ce qui
se réfère à l’art automobile.
Werner Von
Broch,
USA, société inachevée, Paris, Seuil,
1962.
Ovide,
Les métamorphoses, traduit du latin par
G.-T. Villenave, chez les éditeurs F. Gay, Ch.
Guestard, Paris, 1806, 4 tomes, partie X, vers
247 à 252.
Bruno
Latour, Aramis ou l'amour des
techniques, Paris, La Découverte, 1992.
Citation de M. Déon et extraite de la préface de
l'ouvrage de Jacques
Rousseau
(pour le texte) et Jean-Paul
Caron
(pour les photos), Cent ans d'automobile
française, Paris, Flammarion, 1984.
Roland
Barthes, Mythologies, Paris,
Seuil, coll. Points, 1957.
Paul
Valéry, Œuvres complètes, Paris,
Gallimard, coll. La Pléiade, 1957.
Suivant la définition, c’est la séduction,
l’attrait, le merveilleux, l’éclat, l’influence
de quelque chose ou d’une situation qui est hors
du commun.
Anecdote évoquée par un membre du Club Bugatti
France au Salon Rétromobile en février 2000.
Citation de M. Déon, de l’Académie Française,
extraite de la préface de l'ouvrage de Jacques
Rousseau
et Jean-Paul
Caron,
op. cit.
Edgar
Morin, « L'esprit du temps », L'empire
de l'éphémère, Paris, Gallimard, 1987.
Luc
Boltanski, « Les usages sociaux de
l’automobile : concurrence pour l’espace et
accidents »,
Actes de la recherche en sciences sociales,
n°2, mars 1975.
Du latin praestigium qui signifie
illusion. L’automobile pouvant séduire,
impressionner, influencer quelqu’un.
Un amour de Coccinelle, film de Robert
Stevenson,
Walt Disney (1968) avec Choupette.
Fantômas se déchaîne, film d’André
Hunebelle
(1965) avec Jean Marais, Louis de Funès et
Marlène de Mongeot.
Le corniaud, film de Gérard
Oury
(1964) avec Bourvil et Louis de Funès.
Edgar
Morin, Les stars, Paris, Seuil,
coll. Points, 1972.
Bruno
Péquignot, Pour une sociologie
esthétique,
Paris, L’Harmattan, coll. Logiques
Sociales, 1993.
Edgar
Morin, Les stars, op. cit.
Eugène
Slomp, « Des œuvres d'art sur quatre
roues », Economie & Finances », 14-15
février 1981.
Edgar
Morin, « Anthropologie et histoire de
vie », Cahiers internationaux de sociologie,
n° spécial, vol. LXIX.
A l'exemple d’un collectionneur de Saint-Nazaire
(Loire-Atlantique).
Michel
Verret, La culture ouvrière,
Paris, A. Colin, 1988.
Sigmund
Freud, Cinq psychanalyses, Paris,
Presses Universitaires de France, 1954.
Roland
Barthes, Mythologies, op. cit.
Bruno
Péquignot, op. cit.
Ibid.
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